Ce mercredi 25 janvier 2017, je suis intervenu avec Julien Pierre, enseignant-chercheur Ă Audencia SciencesCom pour aborder la question du nouvel Ă©cosystĂšme de lâinfluence Ă lâĂšre digitale. OrganisĂ©e Ă Nantes par SciencesCom et lâagence Alphacoms, cette confĂ©rence Ă©tait lâoccasion dâaborder un sujet Ă la mode, que ce soit cĂŽtĂ© annonceur ou agence. Retour sur ces Ă©changes riches autour dâune thĂ©matique trĂšs⊠vaste !
Lâinfluence est souvent mal perçue, mal comprise et mal connotĂ©e, mais elle a toujours existĂ©e (propagande, marketing, etc.). Influencer câest agir sur ce que sait et croit autrui, pour in fine modifier les perceptions et les comportements, Ă court, moyen et long terme.
Le numĂ©rique a rĂ©activĂ© le concept dâinfluence et a fait bouger les lignes. En guise de contextualisation et dans le temps qui nous Ă©tait imparti (20 min !), nous avons fait le choix avec Julien dâaborder le sujet selon 3 axes :
- la multiplication des « figures » de lâinfluence, vĂ©ritables accĂ©lĂ©rateurs et amplificateurs des messages ;
- la mesure de lâinfluence et la forte dĂ©pendance aux indicateurs et aux algorithmes ;
- le futur de lâinfluence par le contenu et la donnĂ©e (au delĂ des personnes).
Sommaire
Les figures de lâinfluence
Sâil y a une difficultĂ© que je rencontre systĂ©matiquement avec mes clients, câest de sâentendre sur la dĂ©finition et les contours de la notion dâinfluenceur. Certes, le numĂ©rique a dĂ©mocratisĂ© le concept (jusquâĂ le rendre sexy) mais il lui en a fait perdre son sens avec une multiplicitĂ© des dĂ©nominations.
Nous avons ainsi vu apparaĂźtre de multiples figures de lâinfluence ayant chacune leur motivation :
- le leader dâopinion, apparu dans les annĂ©es 1950, qui a la capacitĂ© Ă traduire une opinion dâun groupe social Ă un autre ;
- le faiseur dâopinion, crĂ©ateur de contenus ciblĂ©s Ă forte valeur ajoutĂ©e qui dispose dâune forte notoriĂ©tĂ© ;
- lâexpert, considĂ©rĂ© comme un sachant, rĂ©guliĂšrement invitĂ© des plateaux TV, perçu comme « lĂ©gitime » et figure dâautoritĂ© ;
- le lobbyiste, personnage sulfureux de cette famille, qui agit dans lâombre pour la dĂ©fense dâintĂ©rĂȘts privĂ©s et/ou politiques ;
- le prescripteur, qui dispose dâune capacitĂ© de recommandation sociale (virtuelle ou physique) trĂšs forte ;
- lâambassadeur, trĂšs recherchĂ© par les marques, client fidĂšle, engagĂ© et convaincu, dont lâavis est authentique et sincĂšre. Il agit sans contrepartie (rĂ©munĂ©ration, gratuitĂ©) ;
- lâinfluenceur, qui se distingue de lâambassadeur par son cĂŽtĂ© non exclusif sur une marque, gĂ©nĂ©ralement positionnĂ© sur un territoire, un secteur ou une thĂ©matique (blogueur, youtubeur, instagrammeur, etc.).
Nous aurions pu en rajouter bien dâautres :
- les tĂȘtes de rĂ©seaux (des tĂȘtes de noeuds ?) : personnes au coeur dâun maillage humain, souvent peu visibles mais tout aussi influentes ;
- les salariĂ©s dâune entreprise, vĂ©ritables ambassadeurs internes : il nâest dâailleurs pas anodin de voir le concept dâEmployee Advocacy Ă©merger ;
- etc.
Cependant, pour un grand nombre dâacteurs du numĂ©rique, lâinfluence digitale se limite stricto sensu Ă la propriĂ©tĂ© dâun mĂ©dia (blog, compte de rĂ©seau social, etc.). Ă mon sens, câest une erreur, car elle occulte un grand nombre dâinternautes, pourtant eux aussi influents : les prescripteurs dâune part et les ambassadeurs dâautre part, dont nous parlions prĂ©cĂ©demment.
Lâexemple de Thermomix lors de la seconde partie de la table ronde le confirme : la marque met Ă disposition un mĂ©dia Ă ses ambassadeurs et non lâinverse. Câest Ă©galement cette approche quâa choisi de suivre Blablacar avec le lancement de sa communautĂ© de Helpers : des clients fidĂšles, fiers dâappartenir Ă la communautĂ©, capables dâaccompagner les nouveaux utilisateurs de la plateforme.
Cette prĂ©cision des personnalitĂ©s de lâinfluence est fondamentale, car elle vise Ă sâassurer de parler le mĂȘme langage pour mieux se comprendre et surtout dĂ©finir correctement ses objectifs, puis les indicateurs qui en dĂ©coulent.
La mesure de lâinfluence
La notion de la mesure a elle aussi toujours existĂ©e ; de tout temps, nous avons cherchĂ© Ă classer, ordonner, noter des concepts et des produits (exemple : guide Michelin). Autour de cette question, une vĂ©ritable filiĂšre industrielle, avec ses enjeux Ă©conomiques, sâest mise en oeuvre.
Mais le numĂ©rique a bouleversĂ© la question de la mesure de lâinfluence sur 3 points majeurs.
1- La temporalité
- jadis, les classements, notations et indicateurs étaient réalisées par des agents humains. La constitution de la mesure était longue et in fine, leur impact se faisait sentir à moyen/long terme ;
- aujourdâhui, ces mesures sont rĂ©alisĂ©es par des programmes informations, des algorithmes (dont les recettes sont tout aussi mystĂ©rieuses) en quasi temps rĂ©el, dont les rĂ©sultats sont directement visibles. Leur impact se fait donc sentir Ă trĂšs court terme et nĂ©cessite une rĂ©activitĂ© importante.
2- Lâoutillage
En entreprise, deux approches sâobservent quant Ă la mesure de lâinfluence :
- une approche artisanale, ad hoc, qui consiste Ă crĂ©er ses indicateurs et ses tableaux de bords en partant de ses objectifs prĂ©alablement construits. Cette approche est longue Ă mettre en oeuvre, moins confortable intellectuellement, mais plus personnalisĂ©e. La seule limite Ă©tant lâaccessibilitĂ© des donnĂ©es pour la construction des indicateurs ;
- un approche outil clef en main, qui consiste Ă sâĂ©quiper de logiciels âpresse-boutonâ et qui calculent en une fraction de seconde un ensemble dâindicateurs. Cette approche est rapide Ă mettre en oeuvre, trĂšs confortable intellectuellement mais soulĂšve une limite majeure : lâeffet boĂźte-noire ; âsait-on correctement interprĂ©ter les rĂ©sultats, et donc prĂ©coniser des actions adaptĂ©es ?â
3- La dépendance
DĂ©sormais, les stratĂšges de lâinfluence sont eux mĂȘmes dĂ©pendants des fonctionnalitĂ©s (qui Ă©voluent trĂšs rapidement) proposĂ©es par les mĂ©dias sociaux et les indicateurs quâils affichent. En tĂ©moigne le dĂ©ploiement rĂ©cent des âFacebook Reactionsâ ou du like sur Twitter, qui ont nĂ©cessitĂ©s un rĂ©-alignement des stratĂ©gies dâinfluence.
Alors qui dirige : le stratĂšge ou lâoutil ?
Le futur de lâinfluence
Difficile de parler de lâinfluence Ă lâĂšre numĂ©rique sans aborder son avenir. Si pour un grand nombre de professionnels (dont je fais partie), lâinfluence passe par les personnes, Julien a abordĂ© avec pertinence lâinfluence par la donnĂ©e et le contenu.
Lâoccasion de nous faire dĂ©couvrir le concept de nudge marketing, partant du postulat que lâindividu nâest pas rationnel dans ses choix (largement hĂ©ritĂ© des travaux Ă©conomiques contemporains sur le sujet). Le contenu agit via des micro-actions pour orienter le comportement des individus par des âpichenettesâ (nudge en anglais) : de la signalĂ©tique, du design dans les espaces publics, de la stratĂ©gie de contenus, etc.
Seconde ouverture sur le futur de lâinfluence, la place du big data et des objets connectĂ©s qui mesurent notre comportement, donnant ainsi accĂšs Ă des donnĂ©es descriptives, prĂ©dictives voire prescriptives sur nos comportements. Exemple de lâobjet connectĂ© pour faire du sport, dormir, manger qui nous dit quoi faire et comment le faire.
Nous aurions pu aborder un grand nombre dâautres sujets connexes (inbound marketing, guerre de lâinformation, etc.), mais difficile dâen dire plus en 20 minutes đ
Lâinfluence opĂ©rationnelle : lâexemple des relations blogueurs
La seconde partie de la table ronde Ă©tait orientĂ©e sur les relations entre blogueurs et marques. Câest assez comprĂ©hensible au final, puisquâen entreprise lâinfluence se rĂ©sout (malheureusement ?) bien souvent Ă cette question. MĂȘme si, comme nous lâavons vu prĂ©cĂ©demment, les blogueurs ne sont pas les seules figures de lâinfluence đ
Les Ă©changes entre les 5 intervenants ont naturellement fait ressortir 3 points importants :
- la parole des marques (owned media) est aujourdâhui de moins en moins crĂ©dible ; la collaboration avec des influenceurs apparaĂźt ainsi comme un moyen de crĂ©er des contenus de qualitĂ©, authentiques et originaux ;
- la nécessité de cibler, personnaliser et humaniser la prise de contact avec des blogueurs ;
- une collaboration blogueur/marque repose sur un élément essentiel : la confiance réciproque.
La fin de la table ronde a laissĂ©e place Ă plusieurs questions, dont celle du lancement concret dâune stratĂ©gie de relations influenceurs : âcomment se lancer, par oĂč commencer ?â. J’ai ainsi pu aborder plusieurs Ă©lĂ©ments de mĂ©thodologie :
- trouver / sourcer des influenceurs en fonction de ses objectifs. Commencer modestement en privilĂ©giant la qualitĂ© Ă la quantitĂ© et en sâabstenant de faire des relations influenceurs comme le font un grand nombre dâagences RP, louant des fichiers presse pour envoyer des mails dĂ©shumanisĂ©s ;
- sĂ©lectionner les influenceurs en rĂ©pondant Ă 2 questions simples âen quoi nos deux univers (marque/influenceur) peuvent co-exister ? Pourquoi une collaboration serait-elle pertinente ?â ;
- personnaliser la prise de contact avec les influenceurs, tout en ayant de lâempathie pour ces derniers : il sont avant tout des passionnĂ©(e)s, qui ne sont gĂ©nĂ©ralement pas des professionnels des mĂ©dias et qui nâont pas besoin de vous pour animer leur communautĂ© ;
- entretenir les relations avec les influenceurs : les actions âone-shotâ sont peu pertinentes. Pour cela, effectuer une veille durable (conseils pour se lancer) sur les contenus publiĂ©s par vos influenceurs-partenaires est primordiale pour imaginer des actions rĂ©guliĂšres et de long terme ;
- rester patient et inscrire son action dans la durĂ©e : comme nous les intervenants lâont trĂšs justement rappelĂ©, la confiance est Ă la base des relations. Cette confiance ne se dĂ©crĂšte, elle se construit par des relations humaines respectueuses et sincĂšres.
Merci Ă Sciences Com et Ă lâagence BSide (notamment Emilie :-)) pour l’organisation de cette belle soirĂ©e et dâavoir lancĂ© la rĂ©flexion sur ce sujet qui prĂ©occupe tous les professionnels et amateurs du numĂ©rique.
Enfin, si vous souhaitez approfondir la question des relations avec les influenceurs et mieux cerner leurs profils, attentes et types de collaboration, je vous recommande de lire l’Ă©tude ci-dessous rĂ©alisĂ©e par Reech (lien affiliĂ©) :
Et pour tout ceux qui nâont pas pu ĂȘtre prĂ©sents Ă ces Ă©changes, retrouvez ci-dessous les slides de notre intervention, ainsi que la retransmission effectuĂ©e via Facebook Live :